Sunday 31 August 2014

Le Rahamsahadajda (suite) de Jan Bardeau

Anastase Burnichon de Hauteclocques, en édile prudent & féodal attentif au maintien de ses privilèges, visitait souvent la populace, célébrant chacun de vive voix, serrant des pognes, apostrophant les unes & les autres, & s’exhibant décidément amical envers tous, hormis ceux, bien sûr, qu’il n’aurait su voir ; Burnichon, dans ses soixante-dix printemps qui viraient à l’hiver nucléaire, grâce à ses efforts et à ceux de son esthéticienne, filait comme une torpille, toujours bronzé, toujours cintré, une pépite de détermination favorisant l’action, l’action, & l’action, qui s’illustrait généralement, en ce qui le concernait, à enrouler des discours emberlificotés, sans trop de queue & irrémédiablement décapités ; après son passage, comme l’habitude tente de réinvestir sa place après la violence d’une tornade, des mots virevoltaient toujours, bulles de rien si fragiles, qui explosaient vivement au contact de la rugosité, la tristesse déployait son cours serein. Ploutocrate par principe, Burnichon ne se reposait pas sur une légitimité censément concédée par le vote des citoyens, tant il l’appréhendait comme une imposture, et se protégeait par un cordon de zélés fonctionnaires, les mêmes fonctionnaires qu’il méprisait en bloc, puisqu’ainsi le commandait son idéologie. Le plus terrible, le plus fidèle et retors de ceux-ci, fut souvenu par la postérité sous le nom du Boson de Hickx.

A suivre...

Jan Bardeau est né en janvier 72 du siècle précédent, ce qui en fait désormais, enfin et à sa grande joie un vieux, il s'abstient donc d'être cool, sympathique ou de débiter avec passion des âneries, à la place il s'évertue à grogner des inepties en roulant des yeux méchamment. Personne ne le prend au sérieux, personne n'en a le temps, et puis les grimaces du marginal pas très original n'amusent plus elles s'usent ; lui non plus ne se prend pas au sérieux, par conformisme essentiellement, souhaitant par dessus tout ne se démarquer pour ne pas se remarquer. Il écrit pour la gloire, comme Ajax combattit sans se ménager la station Mir et comme Saint Marc évangélisa les sceptiques de la rue de JaveL. Étant entendu qu'un professionnel, dans tous les corps de métiers, s'efforce d'optimiser le temps qu'il consacre à son ouvrage, ainsi que la qualité du produit fini, avec le revenu qu'il espère en tirer, la plupart borne son ambition, à défaut de sa prétention, à un minima qui contribue pour une large part à la verroterisation de nos cultures ; c'est pour cela que Jan Bardeau revendique son amateurisme, doublé d'un plouquisme confinant à la beauferie, et triplé du provincialisme ridiculement anachronique et désuet de ceux qui estiment que la littérature peut encore créer du sens, même pauvre, et déverser sur le régime amincissant de la transparence le bon terreau de la complexité. Jan Bardeau aimerait ajouter qu'il adore parler de lui à la troisième personne, tout en kiffant grave par ailleurs se parler à lui-même, ce qui lui offre le très précieux avantage d'être écouté, mais que parfois il s'y perd ; quoi qu'il en soit, et nonobstant les parce que donc, il vous salue, vous bise, et pourquoi pas ?, en profite pour se biser lui-même, ce dont il se remercie chaleureusement, y a pas de quoi. 

No comments:

Post a Comment

Note: only a member of this blog may post a comment.